Prologue
Les vacances terminées, il est de bon ton en cette ère d’échange social de publier nos souvenirs picturaux. À tort ou à raison, cela me donne un sentiment d’appartenance dans notre époque. Ce faisant, j’ai l’impression d’avoir autant ma place dans le monde réel que dans celui virtuel. La valeur de ces deux présences s’équivalent presque, n’en déplaise aux apôtres de la pleine conscience et du « ici et maintenant ». Ma position géographique n'est plus confinée à l’espace tangible et palpable, mais aussi appartient à la dimension du « paraitre ». J’étais ici, donc je suis! Voici mon géolocalisateur virtuel par l'écrit pour un été qui fut trop court. **************************** Cette année, ma saison estivale fut rattachée à l’eau. Je l’ai toujours admirée, mais cette fois je l’ai écoutée. Je confirme qu’elle parle « en ciboire » pour qui veut l’entendre. Départ canon
Il est 22 h 30. J'ai sommeil. Mais il y a fête sur la rivière Saguenay en face de chez mes parents. Un party-ponton aux convives qui me sont inconnus, comme on en voit souvent en ce lieu baby-boomers. Il y a quantité de rires portés par la brise aux effluves d'alcool que je peux presque boire. Je m'endors. Mais après quelques heures festives, l'eau décide qu'elle en a assez. Des cris, des « tabarnak toé », des « lâche moé mon câlisse » et autres gentils quolibets me sortent de ma phase bêta. L'eau ne rit plus. La fête s'est transformée en bataille navale. Pour la prochaine heure, l'eau est à son niveau le plus bas. L'hommerie s'est emparée de mon « fleuve ». Impuissant devant cette tempête, cela s'est apparemment terminé en dents cassées, en pleurs et en « mon criss de tabarnak, tu me verras pu su ton bateau ». La poésie de la Sminorf Ice s'est manifestée. Et comme le malheur apporte aussi son lot d'ironie, cette parole s'est propulsée au travers des vagues naissantes : « Ta gueule Josée! Té pas une tsycolog, té juste une stéticienne ». Triste tableau, l'eau finit quand même par me faire rire. Des pirates
Le lendemain, l'eau reprend ses droits. Elle redevient enfant. Je devine que le Saguenay en appelle à l'imaginaire. Une harde de jeunes vacanciers dispersés en quelques canots font des manœuvres au milieu du sang laissé la veille par mes « fêtards ». L'eau calme du matin incite à la franche camaraderie et à l'émerveillement qui se perd habituellement dans les iPODeries. Ce jour-là, l'eau a fait rêver une dizaine de marmots. Et je me suis surpris à penser que je faisais partie de leurs jeux. À mon grand dam, une fois les flibustiers rentrés au port, la valse des mouches à « marde » aquatique (qu'on nomme généralement Sea-Doo) peut commencer librement. Des "pitounes"
(Crédit photo: Marie-Hélène Amyot ©2014) Plus à l'ouest, il y a le plus beau lac au monde. J'y suis resté collé plusieurs heures. Cette eau apporte la connaissance et le souvenir d'une épopée historique qui se perd. À travers une « pitoune » de bois imbibée par des années de perdition, c'est toute l'histoire de ma forêt qui est venue à moi. Poussé par les vagues, un mélange de fierté envers mes ancêtres et de mélancolie soulève le sentiment que j'ai tant de choses à apprendre. Les vagues auraient-elles la même identité si ce n’était de l'industrie qui a jadis modifié ce majestueux Lac St-Jean? D'une main amoureuse, j'envoie un baiser au Lac, de l'autre, je lève mon majeur bien haut à l'industrie qui en modifie encore le paysage aujourd’hui. Le lac reprendra-t-il un jour ses droits? L'eau me fait mieux comprendre l’étrange sentiment de mes paradoxes. L'eau salée
Au milieu de mon périple, il y eut les eaux intermédiaires, les fontaines publiques, les ruisseaux, la rosée et les sceaux remplis des ondées éphémères. C’est toutefois au final qu’est arrivée cette eau qui ne suscite que respect et dévotion. Cette eau qu'on retient parfois avec les barrages les plus solides. Cette eau salée m'est apparue par les monts et vallées du majestueux Charlevoix. À mon retour, avant que la routine urbaine ma fasse oublier ces vacances liquides, le fleuve Saint-Laurent dans toute sa splendeur a fait couler la seule eau salvatrice. Par deux petits chemins dessinés au hasard sur mes joues, passant par mes lèvres et finissant je ne sais où, je me suis mis à pleurer à chaudes larmes. Et c'est ainsi que j'ai su que cette mer intérieure me parle plus que toutes les mers du monde. ********************************* Je vous laisse avec une merveilleuse chansonette de Nick Drake: River man https://www.youtube.com/watch?v=sftEYVYEoew
C’est fait. Ma fille a perdu sa virginité de façon violente. Elle avait entre 9 et 10 ans. Je ne m’en étais pas rendu compte. C’est arrivé lors du printemps érable en 2012. Penser que c'est Jean Charest qui est à la source de cet acte répugnant me révolte au plus haut point. Comment l'ai-je su? Simplement en lui demandant la semaine dernière : « Hey! Ils organisent une manifestation pour exprimer notre amour de Radio-Canada et pour s'indigner des coupes qui l'afflige! On y va? » Et elle de me répondre : « Non. Ça ne me tente pas de me faire arrêter par la police ». Je suis tombé sur le cul. Comme si l'on m'avait poivré et chargé avec un bouclier en plexiglas teinté du sang d'un autre manifestant. Ce qui devait ressembler à ça dans son imaginaire :
s'est transformé en quelque chose comme l'image suivante :
Voilà ce qui est tatoué dans son petit cerveau en croissance et que je devrai aider à transformer ou effacer au laser de l'humanisme. Je ne veux pas que ma fille et mon garçon se terrent dans la complaisance ou dans le défaitisme. Sans porter de lunettes roses, j'aimerais qu'ils soient conscients que la vie n'est pas le royaume de Disney de même qu'on ne peut rester cloîtré par la peur des autres. Je ne veux pas qu'ils pensent être nés pour un petit pain, celui-là même que le PLQ tente de nous faire avaler de force en rabaissant nos aspirations au niveau du « rest of Canada ». Je préfère qu'ils croient en leur instinct et leurs rêves et qu'ils ne soient pas hypnotisés par l'opinion des panels d'experts à la tivi ou dans les radios parlées unidirectionnelles. Elle ne m'avait jusqu'à maintenant jamais glissé un mot de « sa première fois » (comme disent les CAQuistes). Pour un père politisé, humano-naïf et partisan de la libre pensée, effrayer ma fille de cette façon est un affront qui ne doit pas rester impuni. Il me faudra du temps pour l'aider à ravoir confiance en la liberté d'expression et aux soulèvements légitimes du peuple. Comme pour son éducation sexuelle, je comprends maintenant la nécessité de mon implication dans son apprentissage comme citoyenne du monde. Auparavant, je dois panser sa blessure causée par nos bons médias qui ont participé à démoniser l'engagement social, le droit de crier à l'injustice et le droit de ne pas être d'accord (avec nuance et empathie). Il me faut lui faire comprendre que bien qu'on ait voté un soir d'élection, il n'y a pas de lois citant qu'il faut se fermer la gueule pendant 4 ans. Je dois lui parler démocratie et droits civiques. Je ne peux pas recoudre l'hymen politique de ma fille, mais je peux certainement lui apprendre que ce qu'elle a retenu du printemps érable n'est pas toute la vérité et que rien n'est perdu. Au contraire. Tout ne fait que commencer. P.-S. J'imagine que s'il y avait une manifestation pour conserver VRAK TV, elle serait partante. Faut une cause adaptée, j'imagine ;-)
Pustules et aberrations. Psychédélisme et tristesse. Je termine à peine cet objet inclassable. Il y a quelques années que je connais cet univers « Davidlynchien » de Charles Burns, auteur de l'étrange Black Hole. Une compilation de courts métrages d'animation sur la peur avait été diffusée au festival Fantasia de Montréal en 2008. Le film de Burns m'avait étonné par sa facilité à susciter le dégoût et le frisson. Un univers glauque, irréel et complètement déjanté m'était offert. (Vous pouvez voir le film en question juste ici.) Roman graphique-fleuve ayant gagné quelques prestigieux prix en 2005 (dont le prix Eisner), Black Hole est une longue, mais belle métaphore sur la liberté, l'amour, l'attirance et les désirs sexuels. Situé à l'époque où la coupe Longueuil faisait rage, et attaché aux balbutiements du « Classic rock seventies », le livre de Burns met en scène une bande d'ados désœuvrés de l'Ouest américain aux prises avec une étrange maladie transmise sexuellement.
Dès les premières cases, l'on sait que l'aventure sera parsemée de moments difficiles et rudes. Tout au long de l'épais volume, l'auteur nous place en face de situations qui, au-delà du premier degré, fait appel à de vieux sentiments, nos côtés retors, presque voyeurs, mais aussi les aspects torturés de la vie. Il y a bien sûr la corrélation presque immédiate avec le VIH, maladie que l'on croit effacée aujourd'hui. On pourrait même sentir l'odeur vieillotte de la petite morale en marge de l'histoire. Mais cette constatation est accessoire.
L'on plonge avec appétit dans ce buffet de trait de crayon sensiblement exploité dans chaque case. Les jeux d'ombres sont parfaitement maîtrisés par Burns et créent merveilleusement bien la tension nécessaire au bon déroulement de l'histoire. Violence et sale poésie se côtoient élégamment sans trop diluer le potage. La fuite dans les drogues et l'alcool des protagonistes apporte un mutisme et des non-dits qui nous permets de conserver ce sentiment d'être en déséquilibre par rapport au récit. Une situation presque frustrante, mais efficace.
Il n'y a pas de fin hollywoodienne dans Black Hole. J'en suis sorti un peu abasourdi. Mais le plaisir est aussi dans la continuité que l'on se fait des personnages une fois le mot fin apparu. Et quelle finale! Un générique qui nous met en face de notre petitesse. Mais aussi face à la « grandiosité » de notre force intérieure pour survivre à nos afflictions. Le beau côtoit l'étrange avec finesse.
Lire ce roman est comme vivre un cauchemar. Derrière tout cauchemar se cachent bien des vérités sur nous-mêmes. Black Hole est un livre à lire pour sa profondeur et son effet de claustrophobie qu'il contient et suscite... pauvres de nous. Note de bas de page : Il y a un projet de long métrage en cours. Vous pouvez voir un exemple de ce qu'aurait l'air Black Hole au grand écran juste ici.
J'ai dit bien des affaires avant que je m'installe chez Tumblr. C'était l'époque Blogspot de votre humble serviteur. Question d'archiver l'inutile et le curieux, vous pouvez aller voir comment mon cerveau pensait avant 2013 en cliquant ci-dessous. Bonne lecture... ou bien non. C'est selon. http://librepenseedelaseigneurie.blogspot.ca/
Je suis exposé à la pensée binaire depuis que je suis tout petit. Pas par la faute de mes parents. Loin de là. Mais à l’époque de mon enfance, tout ce qui m’entourait semblait si simple. C’était R2-D2 contre « l’empire » tout entier. C’était aussi l’évangile en papier contre Goldorak le dimanche à la « tivi ». C’était OUI ou NON en politique. Et c’était aussi « Betty ou Véronica ». Je suis un peu comme Archie. Même si j’ai avancé en âge, c’est toujours aussi difficile de me sortir du cercle vicieux « blonde versus brune » (et de reluquer la petite amie de la brute Moose sans heurts. Mais c’est une autre histoire). Plus j’avance dans le vingt-et-unième siècle, plus il me faut être vigilant afin de ne pas me laisser emporter par la facilité d’opinion, qu’elle soit de gauche ou de droite. Car aujourd’hui, n’importe lequel quidam peut produire du bon comme du mauvais grâce « aux internet ». Et il est facile de s’agglomérer avec ces « convaincus » de la vérité absolue.
Revenons à l’univers d’Archie Andrews. Je me rappelle que dans son monde il y avait beaucoup d’autres filles autour de lui. Mais quel lecteur se souciait vraiment d’elles? Personne ne considérait sérieusement la grande Ethel (un peu comme le Parti Vert en politique québécoise), mais les autres filles existaient pourtant! Malheureusement, la petite visibilité qu’on leur donnait me ramenait constamment au choix entre Betty et Véronica. Et je remarque que l’on travaille aujourd’hui de la même façon dans toutes les sphères politiques et médiatiques pour renforcer les bases d’opinions polarisées et ainsi « faciliter » la pensée critique du bon citoyen. Tant que ça apporte de la pub… Et c’est tellement plus simple pour manipuler la pensée collective.
Je constate que pour être écouté sur « Le réseau », il faut être tranché, voire provocateur et de plus en plus radical. Les faits ont pris le bord. Le « centre », la neutralité, l’ordinaire voire la contre-culture ne sont pas glamour. Big Ethel est belle et bien morte. Surtout derrière le paravent sécuritaire de nos échanges Facebook ou Twitter, là où les conséquences de notre venin ne seront habituellement pas vraiment dommageables. Le poids de l’opinion centriste ne vaut plus grand-chose, car il n’est pas assez lourd face à la « Radio X » qui sommeille en nous et qui tend à vouloir s’émanciper.
Or, tout n’est pas perdu pour les « non-Archie » de ce monde. La multiplication des médias indépendants et des blogues qui compétitionent avec les médias de masse permet une couverture plus grande de ce qui se passe autour de nous. Encore faut-il garder son sens critique et vouloir fureter plus avant pour survivre. Des exemples? Voici quelques liens intéressants : http://urbania.ca/blog http://nouveauprojet.com/ http://quebec.huffingtonpost.ca/the-blog/ Et il y en a beaucoup d’autres. J’entends déjà mes détracteurs dire que Betty et/ou Véronica, c’est tellement plus rassurant. Pourquoi se compliquer la vie? Moi je dis que Josie et ses minettes, ou même miss Grundy ne sont pas mal aussi, s’agit juste d’oser aller les voir et les entendre... et s’ouvrir au monde. Alors, furetons plus loin chers amis!
En ce qui concerne le choix déchirant entre Betty et Véronica, quand j’étais jeune, j’en aimais une. Maintenant c’est pas mal l’autre que je préfère. Je vous laisse deviner laquelle, et on en rejase autour d’une broue. Sébastien Roy #Réel Sir_Seb #Virtuel
Suite à l'évenement du weekend concernant le policier retraité de Miami (à lire ici) et sa haine des "texteux", j'ai pensé re-publier ma courte chronique de 2011. Comme quoi, les effets de texter dans une salle de cinéma reste un dossier chaud. Il semblerait qu'il en va aussi de notre sécurité. Je suis moi-même récemment intervenu auprès d'un spectateur peu intéressé par le film diffusé. La lumière de son appareil m'aveuglait. Au final, ce spectateur m'a totalement ignoré (apr's m'avoir aussi invectivé). Je réalise que j'ai dépensé beaucoup d'énergie, engoissé inutilement et manqué la fin du film. Est-ce que ça vaut la peine d'intervenir? Qu'en pensez-vous? *************************************** (publié originalement le 7 décembre 2011, ici) Je n’ai pu passer sous silence l’article suivant. http://www.lepost.fr/article/2011/12/06/2654314_twitter-des-sieges-reserves-pour-tweeter-au-cinema.html Or, je ne suis qu'un pauvre puriste qui tente encore de percevoir le cinéma comme quelque chose de beaucoup plus grand qu'un bien de consommation rapide (comme offre trop souvent Hollywood aujourd'hui). En laissant le twitteux œuvrer d'aise dans les salles (même en arrière-banc), je pense qu'on banalise le rituel qui existe encore parfois entre un bon réalisateur et son auditoire. C'est peut-être aussi le signe d'un grand essoufflement de l'industrie Hollywoodienne. Elle qui ferait n'importe quoi pour ne pas perdre son dernier bastion de consommation de masse, soit les plus jeunes. Tant que le cinéma progressera vers la médiocrité pour ne servir que le vil côté commercial du 7iem art, les twitteux et facebooqueux des salles de cinéma auront tout le loisir d'user de leur cellulaire (ou pire! du iPAD). Donnez de la qualité cinématographique à ces gens blasés et vous verrez s'éteindre les conversations. Continuez à servir de la merde cinématographique en quantité et bientôt on pourra y jaser comme dans un lounge bar avec le film en trame de fond... parce qu'il n'y aura rien d'autre à y faire.
(Critique simplette du roman "La ferme des animaux" de George Orwell) Nous sommes à des lieux de l’opus « 1984 » de George Orwell, voire à des années-lumière. Malgré un thème qui aborde les mêmes problématiques relationnelles entre mammifères de différents niveaux sociaux, « La ferme des animaux » est une fable simple (pour ne pas dire simplette) qui montre une évidence : la recherche de pouvoir et la complaisance dans l’ignorance. Ces dernières sont toujours au cœur de notre lente déchéance en tant qu’humanité. Un sentiment de supériorité vis-à-vis du règne animal persiste toutefois après la lecture de ce bouquin. C’est peut-être signe que je suis resté sur mon appétit (de carnivore) ou que je n’ai pas bien compris le message d’Orwell, inspiré probablement d’une philosophie maintenant révolue qu’est le Stalinisme. Développé autour d’animaux traditionnels de la ferme, l’auteur du court roman fait un parallèle entre ce qui ressemble à l’esclavagisme tel que nous le connaissons et le caractère intrinsèque de bêtes domestiquées par l’homme. Les bêtes se révoltent, prennent en charge leur destinée via une forme de communisme, tombent sous une dictature et reviennent sensiblement dans la même position d’avant leur révolte; un cycle bien connu et documenté de l’histoire contemporaine de l’homme. L’on prend plaisir à se demander quel animal nous ressemble le plus, comme lors de l’écoute de l’album « Animal » de Pink Floyd, librement inspiré de cette œuvre. Et c’est probablement là le seul plaisir tangible de cette histoire. Suis-je un mouton « suiveux », un chien binaire, un fort cheval avec des ornières, un cochon stratège ou un chat indépendant? Mais cette fable quelque peu réductrice laisse l’impression d’un cours 101 de géopolitique à deux sous, laissant de côté toutes subtilités possibles entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui le subissent. Même l’interaction finale entre les humains et les animaux donne dans la facilité. Peu de zone grise. Peu de finesse, mais tout de même un bon divertissement. Intentionnellement ou non, Orwell installe dès les premières pages un sentiment d’incrédulité et de méfiance face au projet animalier qui veille. De fait, il m’a été difficile d’être totalement sympathique à la cause des bêtes. La culpabilité qu’on tente de me faire sentir quant aux méthodes d’élevage du fermier-propriétaire colle difficilement, comparativement à notre époque de production de masse. L’on se réjouit tout de même du soulèvement des bêtes. Mon côté gauchiste/humaniste est ici mis à contribution de façon naturelle. Et la première chose qui me vient à l’idée en lisant sur la révolte des animaux est la série de la Planète des singes. L’on pourrait croire que Pierre Boulle s’en est largement inspiré pour son propre roman qui a lancé la franchise. Au final, je me suis surpris à rêver d’une mise à jour pour ce roman. Et si les poulets avaient été cordés dans des cages trop petites? Et si les vaches étaient « ploguées » pour leur sucer le plus de lait possible? Et si l’on établissait l’histoire dans une usine à chiot ou dans une industrie d’équarrissage de notre siècle? Orwell n’aurait pu deviner l’horreur de l’industrie alimentaire ou animalière d’aujourd’hui lors de l’écriture de son roman en 1955. Ceci est pardonnable et compréhensible, mais l’entrée en matière du roman donne un ton vieillot au récit. C’est tout le contraire de l’univers de Big Brother dans le roman d’anticipation « 1984 » dont la prescience est encore bien d’actualité en 2014. « La ferme des animaux » reste un bon outil de base pour soutenir un argumentaire géopolitique encore applicable de nos jours. Mais il faut lire ce roman avec une bière blonde bien froide et légère en main, sur une terrasse qui sert de bonnes côtelettes de porc. Note : Merci à Julien Leclerc (https://www.facebook.com/julien.leclerc.167?ref=ts&fref=ts) pour m’avoir prêté ce livre
Crédit: Sébastien Roy (au festival de littérature de MTL 2012) (c) 2013
C’est toujours un exercice passionnant de se laisser guider par le hasard. Le jeu de choisir un livre intuitivement, parce que je sens qu’il doit être lu, m’enivre. Parcourir lentement les étagères des yeux jusqu’à ce qu’un livre nous appelle de lui-même, voilà un plaisir dont je ne me lasse pas. Que la lecture qui en résulte soit heureuse ou non revêt parfois moins d’importance comparée à l’aspect métaphysique de la chose.
Comme si j’allais sauver un bouquin de l’oppression de ses voisins, le dernier appelant avec sa tranche blanche cartonnée, compressée, étouffée entre deux très épaisses briques qui semblaient radoter des thèmes vieillots, s’intitule « La concordance des temps » d’Évelyne de la Chenelière. Un petit cent quarante pages de bonheur aux accents graves.
Crédit: Sébastien Roy (c) 2013
Dans ce chassé-croisé super bien fignolé et tressé finement, on y suit un homme et une femme perdus dans leurs pensées avant de se retrouver pour un repas à deux. Leur analyse de la vie autant que des choses simples qui les alimentent y sont traduites de superbes façons. Le temps y est effectivement mis en scène comme un voleur. Celui dont on n’a aucun contrôle et dont on ne connaît la vraie source. L’impitoyable temps et ses effets. Mais aussi l’impitoyable combat des genres. Car il y est question de temps grammatical et de« synchronicité » entre les individus ainsi que des conséquences du passage de l’un dans la vie de l’autre.
Source de l'image: http://www.coacheloquence.com/quiz-un-ou-une/
Nos héros sont inévitablement victimes de ce temps qui passe et du destin qui semble défaillir. La peur de l’engagement, la mort, le suicide, l’amour qui fuit, mais surtout l’acceptation de ce qui est sont tous gravement amenés avec des détails savoureux, délicatesse et humour. Ce livre est une vision lucide et amère de la vie actuelle. C’est une histoire de mensonge. Surtout de mensonge avec soi-même. Nos protagonistes font face au test de la réalité. Cette foutue réalité avec qui on doit toujours composer, négocier et peut-être même y perdre au change.
Au bout du compte, c’est un roman coup-de-poing. Un roman qui a le don de nous mettre en face de nous-mêmes et face à nos difficiles perceptions que l’on tente souvent de mettre sous le tapis. Ne serait-ce que par le choc final des dernières pages et la confusion qui s’en suit après le livre fermé, j’ai été emballé par « La concordance des temps ». Je suis resté avec l’impression que rien ne peut satisfaire totalement notre soif de liberté par rapport aux autres (les connus comme les inconnus). Et cela est bien démontré dans cette courte histoire. La concordance des temps nous glissent lentement entre les doigts, dans la vie comme dans l’écrit d’Évelyne de la Chenelière. À lire absolument.
Pour les intéressés, je fais partie d'un projet pilote de littérature avec la Librairie Le port de tête sur Mont-Royal. Vous pouvez lire l'évolution de nos histoires fictives sur le blogue de la boutique jusqu'au mois de mai. Il s'agit pour moi de donner vie à un ou des personnages via des échanges de lettres fictives écrites par les autres auteurs du groupe. Je fais partie du groupe C. Tous sont partis de la même lettre de départ de notre coordonnateur Gilbert Turp. Nous modelons l'histoire au fur et à mesure. C'est donc un projet dynamique avec beaucoup de rebondissement pour les auteurs, dont je fais partie. Bonne lecture et donnez-m’en des nouvelles si ça vous chante! Cliquez sur le petit lien ci-dessous. Cliquez juste ici pour le lien vers leur blogue.
Vous vous cherchez de belles activités à faire pour le jour de la terre du 22 avril? Le choix est vaste. Par exemple, il y a la tenue d’une journée d’essais de grosses Ford Mustang bien gonflées à la testostérone, dodues et énergivores à Vaudreuil-Dorion. Cette hérésie caritative proposée de bonne foi par un concessionnaire local se déroulera au Centre Multisport de Vaudreuil durant ce jour de conscientisation. Ce merveilleux endroit, s’il en est, fait aussi la promotion de saines habitudes de vie. Il y a de ces ironies qui entrent parfois dans le surréalisme.
Y a-t-il autre chose à faire dans le coin? Du nettoyage de berges à Pincourt, l’achat de compost et récupération d’objet électronique à Notre-Dame-De-L’Île-Perrot, une descente de la Rivière-Beaudette organisée par Cobaver-VS et nettoyage de l’entrée de la ville de Terrasse-Vaudreuil. Rigaud amorce aussi sa démarche du plan de développement durable ces jours-ci. Enfin, la page Facebook de Jour de la terre Québec donne beaucoup de suggestions pour s’initier aux gestes qui devraient être posés quotidiennement en 2017.
Or, la Ville de Vaudreuil-Dorion, majoritaire au conseil d’administration dudit centre Multisport organise aussi une grande table ronde citoyenne pour le développement de sa politique environnementale le 25 avril prochain. Est-ce cela qu’on pourrait appeler une sorte de rachat de carbone à échelle municipale afin de compenser le centre Multisport?
Il y eut Dédé. Il y eut Kurt juste quelques années auparavant. Il y en a eu beaucoup d'autres, que l'on chérissait ou non, de près ou de loin. Mais il y a aussi les suicidés sans visage ni histoire. Les sans nom et les sans hommage. C'est de ceux-là dont il est question dans le très court roman d'Éric Fottorino, Suite à un accident grave de voyageur.
Voilà un roman/nouvelle qui parle de suicidés, certes, mais c'est surtout un exposé sur la sensibilité humaine à l'ère des réseaux sociaux et à l'ère du glissement vers l'hyperindividualisme. On ignore le nom du personnage principal, car il pourrait tout aussi bien être notre voisin de siège de train de banlieue ou de la ligne orange du métro de Montréal. Le genre de personnage qui comme nous est soumis aux aléas de la « machine », espérant sortir de son emprise pour se retrouver libéré du « communautaire » et ainsi vaquer à ses occupations de routines. Ce pourrait être vous ou moi. Malgré la gravité du sujet, on suit les pensées d'un homme confronté à la plus abominable conséquence de la mort sans procuration, opposé à sa propre humanité et sa sensibilité en lien aux inconnus qu'il côtoie tous les jours.
(Edward Hopper - Nighthawks - 1942) Le mince recueil (qui ne fait que 60 pages) souligne à gros trait les gestes fatals de malheureux humains. Ceux qui, au bout de toute solution, veulent déranger nos routines et nos habitudes de vies tranquilles. Le tout est enrobé par les réflexions du protagoniste anonyme. C'est sans jugement ou complaisance que l'auteur nous met en rapport à la tournure extrémiste et déshumanisée qu'ont prise nos vies depuis l'avènement du web 2.0. Il n'y a pas d'histoire dans ce roman. Il y contient plutôt toutes les histoires. On y voit toutefois quelques tableaux d'Edward Hopper pour alléger l'air vicié qui entoure ce livre. Et l'on visite aussi des villes de banlieues parisiennes moins connues ici. On y rencontre les corneilles d'Hitchcock et la chambre verte de Truffault. Mais on y refait un douloureux constat : qu'on le veuille ou non, le suicide d'une personne s'insère en nous sournoisement, sans qu'on s'en rende compte, même si l'on ne veut pas le savoir.
Essentiellement, le tour de force de Fottorino réside dans la proposition d'une critique sociale de ce nouveau siècle et de l'impuissance d'un personnage face à la perte de sensibilité collective. Que ce soit à Paris ou à Montréal, Suite à un accident grave de voyageur nous donne l'occasion de réfléchir (et se divertir) sans nous investir dans un essai sociologique compliqué. Les mots sont fluides, jolis, voire poétiques. Ce qui procure un effet presque onirique à ce récit coup de poing d'où l'on ne sort pas indemne. À moins d'être de ceux qui croient que le suicide nuit à la liberté individuelle...
Éclectisme et pensées libres sont l'adage du philosophe de l'humeur passante. Je disperse mes idées de fieffé souverain aux quatre vents. Par S. Roy
15 posts